TRIBUNE LIBRE
Le niveau de vie des retraités va continuer à baisser
Par Jean-Christophe Martineau le 16 juin 2015
Le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (Cor) dresse l’état des lieux du système. À l'avenir le niveau des pensions risque de sérieusement se contracter…
Malgré les cinq réformes engagées depuis 20 ans, la situation des retraites reste préoccupante. Les effets conjugués du papy-boom, qui gonfle les rangs des retraités, et de la crise qui réduit les ressources des régimes, pèsent sur l’équilibre du système. Les projections établies par les experts du Cor dans un rapport publié le 11 juin 2015 font état, selon divers scénarios économiques envisagés, d’un besoin de financement variant de 0,1% à 0,9% du Produit intérieur brut (PIB: la richesse nationale), en 2060. En 2013, le déficit global des retraites atteignait 0,4% du PIB, soit 8 milliards d'euros.
Le déficit va-il se réduire?
Pour que le système des retraites retourne à l’équilibre il faudrait que la croissance reste supérieure à 1,8% par an et que le taux de chômage régresse à 4,5% pendant la période considérée. Nous en sommes loin: pour 2015, les prévisions officielles tablent sur 1,1% de croissance et un taux de chômage de 10,6%. Dans le scénario central du Cor (chômage à 4,5% et croissance à 1,5%), à législation inchangée les retraites sortiraient du rouge en 2030. Le document se penche également sur l’évolution des ressources des retraités. Et les nouvelles dans ce domaine – bien qu’elles concernent le long terme- ne sont guère positives…
Niveau de vie en baisse
Quelles que soient les projections, le montant moyen net des retraites, comparé aux revenus d’activité, va régresser. En cause: la désindexation des pensions par rapport aux salaires décidée au début des années 1990. Depuis 1993, les retraites sont indexées sur le coût de la vie. Or, les salaires évoluent, globalement, à un rythme plus rapide que l’inflation. Résultat, le niveau de vie des retraités –c’est-à-dire l’ensemble des revenus disponibles- va diminuer par rapport à celui des actifs, alors qu’il est aujourd’hui légèrement supérieur (103%). L’érosion va commencer à se faire sentir vers 2020 et se poursuivre jusqu’en 2060. Selon les hypothèses économiques retenues, le niveau de vie des pensionnés se situerait alors dans une fourchette variant entre 70% et 90% de celui du reste de la population.
Ce décrochage s’explique également par la baisse du taux de remplacement des retraites par rapport aux salaires d’activité. La pension représentait environ 75% de salaire pour un salarié noncadre de la génération 1950. Selon l’évolution générale de l’économie, les jeunes de la génération 1990 percevront, eux, une retraite variant entre 54% et 70% de leurs anciens salaires.Pensions de réversion : une réforme envisageable ?Par Laurence Le Dren le 16 septembre 2015
Les pensions de réversion varient en fonction de règles complexes et différentes selon les régimes. La Cour des comptes suggère une harmonisation. Sujet sensible pour 4,4 millions de retraité(e)s.
Les pensions de réversion représentent une source de revenu essentielle pour 4,4 millions de personnes, dont 90% de femmes. Le poids financier de cette prestation (34 milliards d’euros par an) en fait pourtant un sujet d’attention pour la Cour des comptes. Dans un rapport consacré au déficit de la Sécurité sociale publié le 15 septembre 2015, la Cour soulève avec précaution "la question d’une modernisation" des dispositifs de réversion.
Une ressource déterminante pour les retraitéesPremier constat, les réversions conservent "un rôle majeur dans notre système de retraite": près d’un(e) retraité(e) sur quatre en bénéficie. Ces personnes sont des veuves, âgées en moyenne de 77,7 ans selon les chiffres de 2012. Elles touchent, toujours en moyenne, une réversion de 645€ mensuels. Cette somme complète leur propre retraite quand celle-ci existe. Pour les personnes n'ayant pas de retraite personnelle, la moyenne des reversions tombe à 499€ par mois. Il s’agit donc d’une ressource déterminante pour une majorité des veuves âgées n'ayant pas ou peu cotisé à titre personnel. De fait, la réversion contribue aussi à réduire l’écart de revenu entre femmes et hommes à la retraite.
Des règles disparates et complexes
Plusieurs points préoccupent pourtant les magistrats. "La très forte hétérogénéité" des types réversion crée de "profondes disparités". Ainsi, la veuve d’un salarié du privé, celle d’un indépendant ou celle d’un fonctionnaire ne touchent pas la même fraction de pension de leur conjoint. Conditions d’âge (aucune, 55 ou 60 ans), durée minimale de mariage (variant d’un jour à 4 ans), critère de ressources, taux de réversion (de 50 à 60%) … les règles d’attribution et de calcul des divers régimes de retraite composent un chef-d’oeuvre de complexité.
Le travail des femmes changerait-il la donne?
Autre critique: ces mécanismes seraient figés. Les règles n’ont "pratiquement pas évolué" malgré "les transformations de l’emploi et la vie du couple", remarquent les magistrats. En clair, ce qui améliore les pensions propres des nouvelles générations de retraitées (le travail des femmes, l’allongement de leur carrière, et même les droits familiaux de retraite) ne serait pas assez pris en compte. L’évolution suggérée serait bien sûr source d’économies.
Esquisse d’une réformeP
as question de modifier les pensions déjà accordées, la Cour le dit tout net. En revanche, elle propose plusieurs pistes de "réflexion envisageable" pour l'avenir, dans "l’hypothèse d’une réforme des différents mécanismes de retraite". Marchant sur des oeufs, les auteurs du rapport suggèrent de "tendre vers l’harmonisation des conditions d’âge" (il n’y en a pas dans la fonction publique), "d’aller vers l’instauration de conditions de ressources" (pour la fonction publique et les régimes spéciaux), "d’harmoniser les taux de réversion" ou encore "de s’orienter vers un prorata de la réversion selon la durée du mariage". Autant d'économies utiles à l'équilibre des systèmes de retraites mais autant de baisses de ressources pour les futurs retraités touchés par le décès d'un conjoint.